Alors que les critères de définition des perturbateurs endocriniens sont applicables depuis quelques mois aux pesticides et biocides, les premières décisions arrivent. L'Anses vient de décider le retrait de l'autorisation de produits fongicides à base d'époxiconazole, une substance que l'Anses juge perturbateur endocrinien et déjà identifiée comme "candidate à la substitution" au niveau européen à cause de sa dangerosité. 76 produits contenant la substance sont encore autorisés actuellement.

Par Elisabeth Ruffinengo, WECF France

Tous les fongicides contenant de l’époxiconacole désormais interdits:

  • “Epoxiconacole” ne dira rien au grand public, pourtant la substance est utilisée dans plus de 76 préparations fongicides actuellement présentes sur le marché français, et utilisées pour lutter contre les ravageurs des cultures telles que céréales, betteraves, etc. Pas moins de 200 tonnes de la substance sont commercialisées chaque année sur le territoire national: ceci en fait une substance très utilisée, et rend difficile de remplir le critère “d’exposition négligeable” qui doit être rempli pour autoriser un produit dangereux.
  • La dangerosité de la substance n’est pas nouvelle pour ainsi dire: elle est suspectée d’être cancérogène, et présumée toxique pour la reproduction humaine… mais est autorisée avec un usage encadré. Elle figure d’ailleurs sur une liste de substances candidates à la substitution (établie par un règlement de 2015)
  • Les fongicides contenant la substance sont bien sûr présents dans d’autres pays européens, tels que l’Espagne, où pas moins de 103 produits en contenant sont commercialisés.

Le caractère perturbateur endocrinien de la substance à l’origine de l’interdiction: 

  • Jusqu’à maintenant, le fait qu’une substance soit perturbateur endocrinien ne garantissait pas son interdiction, bien au contraire. Les choses changent depuis l’adoption de critères pour identifier les substances en question, notamment celles utilisées dans les pesticides et les biocides. Un document de juin 2018, élaboré par les 2 agences européennes concernées (l’ECHA et l’EFSA, respectivement en charge des produits chimiques et de la sécurité alimentaire) donne des directives pour les agences nationales.
  • L’Anses s’est auto-saisie de la question de la dangerosité de l’époxiconazole, et a conclu à des effets perturbateurs endocriniens de la substance, sur des organismes non-cibles, dont des mammifères et vertébrés – c’est à dire autre que les ravageurs qu’elle doit détruire. L’Anses considère qu’il existe suffisamment d’éléments en ce sens, et estime que la substance doit être retirée du marché.
  • L’Anses a transmis ses conclusions à la Commission européenne, pour mettre en oeuvre le réexamen de la substance, et le cas échéant de mettre fin à son autorisation à l’échelle européenne.

Régulièrement, les évaluations de l’Anses de la dangerosité des substances utilisées dans les pesticides ou les biocides débouchent sur le retrait de produits. Ce travail est indispensable pour accélérer la substitution et le retrait du marché de produits utilisés bien souvent à large échelle, qui affectent la santé humaine, celle des organismes vivants exposés, la qualité de l’air autour des zones d’épandage, sans oublier la qualité des ressources en eau, contaminées de manière régulière au fil des campagnes d’épandage.

Sources:

Avis de l’Anses, 28 mai 2019